Vitis vinifera - Comment une seule espèce de vigne a conquis le monde ?

C’est à partir d’une seule espèce de vigne, Vitis vinifera, que sont nés quelque 6000 cépages. Jean-Michel Boursiquot, maître de conférences à l’Ecole nationale supérieure agronomique de Montpellier, explique comment autant de variétés ont pu se développer.

Vitis Vinifera

Qu’est ce qui explique l’incroyable diversité des cépages ?

La vigne est fortement hétérozygote : ses gènes peuvent s’organiser en de multiples combinaisons. Chaque pépin semé donne un individu différent. Les cépages sont des individus sélectionnés dans une population sauvage ou issus d’un semis de pépins et reproduits à l’identique par bouturage, marcottage ou, aujourd’hui, par greffage et sélection clonale. Voilà comment une seule et même espèce de vigne, Vitis vinifera, a donné naissance à tous les cépages d’Europe et d’Asie centrale et orientale : 6000 variétés.

D’où vient cette espèce originelle ?

Pendant la période glaciaire, vitis vinifera a subsisté au Moyen-Orient. A partir de cette zone, elle a ensuite recolonisé tout le bassin méditerranéen , se fragmentant en petites populations individualisées qui ont évolué indépendamment, puis ont fini par se croiser : d’où un polymorphisme important. Les premières traces de vinification remontent à 5000 ans avant notre ère. Les Grecs ont découvert dès l’Antiquité le bouturage et le marcottage, qui permettent de fixer une variété.

Sur quels critères peut-on identifier un cépage ?

La feuille adulte est l’organe le plus fiable pour l’identification. Quatre-vingts caractères sont pris en compte. Depuis 1990, nous utilisons aussi des techniques de marquage moléculaire : les marqueurs utilisés, les microsatellites, sont de courtes séquences d’ADN qui se transmettent à la descendance. Cette technique a permis à nos collègues américains de montrer que le cabernet-sauvignon résultait d’un semis de deux cépages préexistants.

Les cépages sont-ils liés à des terroirs particuliers ?

Au départ, lorsqu’ils étaient francs de pied, c’est à dire qu’ils poussaient sur leur propre système racinaire, ils étaient liés aux conditions particulières des sols : acides dans le Beaujolais, calcaires en Champagne... Aujourd’hui, les racines sont celles du porte-greffe, ce qui permet une adaptation plus grande des cépages. C’est surtout le climat qui joue. Certaines variétés, comme le chardonnay ou le cabernet-sauvignon, réussissent ainsi dans des conditions très variables. D’autres, plus délicates, tel le pinot noir, donnent des produits souvent décevants s’ils ne sont pas dans des conditions proches de celles de leur zone d’origine.

Le nombre de cépages continue-t-il à augmenter ?

Non, il aurait plutôt tendance à diminuer. C’est pourquoi nous les conservons au domaine de Vassal : les seuls cépages nouveaux sont produits en laboratoire. De plus, avec l’internationalisation, les goûts se standardisent. Nous avons donc orienté nos recherches dans une nouvelle direction : nous prospectons les vignes sauvages pour trouver de nouvelles sources de géniteurs. Certains producteurs désirent aujourd’hui retravailler des anciens cépages, des variétés pratiquement disparues, afin de retrouver une originalité et se démarquer des standards internationaux.

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