Conduite de la vigne

A l’état sauvage, la vigne est une liane des forêts qui se développe de façon anarchique. Le viticulteur doit ainsi veiller à la domestiquer afin qu’elle produise des fruits de qualité. Ce travail demande beaucoup de patience, de vigilance et de passion. Il s’effectue tout au long de l’année. Partons à sa découverte…

Raisin

La conduite de la vigne accompagne son développement. Elle est ainsi répartie en plusieurs étapes qui tiennent compte du cycle végétatif de la vigne, des conditions climatiques des régions, des cépages et des habitudes de travail. Nous vous proposons un aperçu général et chronologique du travail annuel des viticulteurs.

De novembre à mars

Pré-taillage (ou démontage)

Les feuilles de la vigne sont tombées et celle-ci entre dans sa phase de repos hivernal. La sève est retombée. Le viticulteur procède alors à un pré-taillage qui consiste à tailler les longs sarments.

Buttage (ou remontage)

Le buttage consiste à remonter la terre au pied des ceps, ce qui les protègera des gelées de l’hiver. Il est souvent réalisé en décembre. On appelle cela « chausser la vigne ».

La taille

Le début de la taille est fixé symboliquement le 22 janvier, fête de la Saint-Vincent, bien qu’elle commence souvent début décembre. Elle permet de réguler la production de raisins sur chaque cep et de faciliter la conduite de la vigne, par la mécanisation de certains travaux.

La taille doit assurer un équilibre entre la croissance de la vigne et la quantité de la récolte à venir.

Le viticulteur va couper les vieux bois et laisser les bois porteurs de la prochaine récolte. Il élimine également les bourgeons les plus hauts qui débourrent en premier et qui ralentissent le départ des bourgeons situés plus bas.

La manière de tailler va dépendre de nombreux facteurs. Citons comme exemples :

Les performances de la vigne à maturité, lors des saisons antérieures. Dans le cas où la vigne a surproduit lors de la récolte précédente, le viticulteur devra couper un nombre plus important de bourgeons. Si la récolte fut équilibrée, il laissera le même nombre de bourgeons.

L’abondance des sarments, l’âge et la vigueur de la vigne.

La densité de plantation autorisée.

La fertilité du sol, les conditions climatiques et la quantité d’eau disponible pour la vigne.

Il existe trois types de taille, comportant chacune plusieurs variantes :

La taille en cordon : C’est une taille haute. Elle consiste à orienter le tronc de la vigne dans une seule direction (verticale, horizontale ou oblique). La variante la plus utilisée est la taille longue « Guyot » : on laisse pousser une branche que l’on maintient parallèle au sol. Sur cette branche vont se développer des tiges que l’on accroche sur des fils de fer attachés à des piquets.

La taille en gobelet : C’est une taille basse. Le cep a effectivement une forme ovale ou de verre.

La taille en espalier : C’est une taille haute. Les sarments sont tous liés sur un treillage et dans un même plan.

La taille haute est pratiquée dans les régions humides et soumises aux risques de gelées de printemps. L’élévation de la vigne, sous forme de palissage, permet de réduire les risques de gel et d’attaque de pourriture.

La taille basse est plutôt pratiquée dans les régions chaudes et sèches, à l’abri des risques de gel.

Brûlage des sarments

Tous les sarments ou parties de sarments obtenus vont être rassemblés.
Puis ils seront soit broyés, soit brûlés pour réchauffer la vigne, soit enfouis dans le sol.
Certains connaisseurs réalisent des fagots de sarments qu’ils laissent sécher. Ces sarments serviront ultérieurement de combustible pour faire des grillades.

Préparation du palissage

Elle ne s’effectue que dans le cas où les vignes sont palissées. Le palissage est l’ensemble des fils et des piquets utilisés pour maintenir la végétation. Le viticulteur procède à cette période au remplacement des piquets usagés et retend les fils de fer qui supporteront les rameaux.

Mars, avril

Epandage des engrais (ou amendement)

Au fil des ans, la vigne puise ses nutriments dans les ressources du sol. Afin de lui redonner des éléments nutritifs et protecteurs, le viticulteur épand des engrais, ou fumures, qui sont composés de matières minérales, organiques et de fumier. Cet apport d’engrais permet à la vigne de développer sa végétation et de résister au gel, ainsi qu’aux maladies.

Pliage et liage

Ces opérations entièrement manuelles s’effectuent dans le cas d’un palissage. Sur le fil de base (le premier en partant du sol), le viticulteur couche les sarments laissés à la taille. Ce sont ceux qui donneront des fruits. Il les attache ensuite avec des agrafes ou de la ficelle.

Débuttage (ou décavaillonnage)

Le débuttage consiste à enlever la terre au pied de chaque cep et celle comprise entre chaque pied. Cette terre est appelée « un cavaillon ». Le viticulteur utilise pour débutter une charrue appelée décavaillonneuse. Le débuttage est également appelé « déchausser la vigne ».

Labourage, désherbage ou enherbement

Au moment où la vigne présente de jeunes pousses, celles-ci sont riches en eau et donc sensibles aux gelées printanières. Le viticulteur procède à un labourage. Il permet d’aérer, de réchauffer et de remodeler le sol qui est resté compacte depuis l’automne, ce qui réchauffe également les racines de la vigne et facilite le débourrement.

Le labourage va aérer le sol et détruire les plantes adventices qui se sont développées à sa surface. L’aération participe également à la reprise de l’activité du sol. Il permet en outre une bonne circulation de l’air et des eaux pluviales vers les racines et les couches profondes du sol. Cet amollissement du sol est profitable à la croissance des racines en profondeur. Sachant que les racines profondes prélèvent des éléments nutritifs caractéristiques au sous-sol, cela favorise en partie l’ expression de la typicité du terroir.

Nous venons de voir que le labourage permet de désherber. Cependant les mauvaises herbes sont coriaces et repoussent rapidement, surtout par temps pluvieux. De plus, la pratique du labour demande plusieurs passages. L’usage du désherbant chimique est plus simple d’utilisation. Il anéantit les mauvaises herbes et évite la germination. Il contribue cependant à la pollution de nos sols.

Bon nombre de viticulteurs se tournent désormais vers la production intégrée. Ils utilisent la méthode de l’enherbement naturel maîtrisé (E.N.M.), qui consiste à laisser pousser la flore naturelle entre les rangs de vignes tout en maîtrisant son développement par des broyages ou par des désherbants foliaires.

Cette végétation participe à l’intégrité du sol et concurrence la vigne sur l’alimentation en eau de pluie et en éléments nutritifs. Cette concurrence permet non seulement de limiter l’érosion et l’infiltration des nitrates, mais elle favorise également la croissance des racines en profondeur.

Plantation de jeunes pieds (éventuellement)

Afin de planter des vignes sur une nouvelle parcelle, ou de remplacer les ceps morts qui ont été arrachés en automne, le viticulteur peut planter de jeunes pieds de vigne. Ces derniers proviennent généralement de pépinières.

La période de plantation varie en fonction de l’état du sol. Il doit être sec en surface et légèrement humide en sous-sol. Dans le cas de la plantation d’une nouvelle parcelle, celle-ci doit être préparée à l’avance. Le sous-sol doit être préparé avec de la fumure de fond et le sol doit être aplani. La distance entre chaque rang, entre chaque pied de vigne et le nombre de pieds à l’hectare sont réglementés. Les jeunes vignes plantées produiront une récolte de qualité au bout de quatre ou cinq ans.

Mai

Labourage

Dans le cas où l’enherbement n’est pas pratiqué, le viticulteur effectue un second labourage afin d’éviter la prolifération des plantes adventices.

Premiers traitements contre les maladies et les parasites

Il est nécessaire pour le viticulteur d’effectuer sur la vigne des traitements préventifs contre les maladies provoquées par des algues (mildiou), des champignons (oïdium), des virus (court noué), des bactéries (maladie d’Oléron) ou des insectes (acariens, vers de la grappe), qui peuvent anéantir la récolte. Pour cela, le viticulteur dispose de différentes méthodes, que vous aurez l’occasion de parcourir dans la rubrique « Les Soins de la Vigne ».

Ebourgeonnage et évasivage

L’ébourgeonnage est la suppression des bourgeons non fructifères.

L’évasivage consiste à supprimer les doubles bourgeons.

Tous deux terminent la taille, soulagent la vigueur du cep et permettent de réguler la récolte.

Epamprage et dédoublage

L’épamprage consiste à éliminer les rameaux infertiles qui se sont développés sur la partie inférieure du pied de vigne. Ils sont issus de bourgeons laissés involontairement par le viticulteur lors de la taille. Ces rameaux sont appelés « gourmands » car ils puisent dans la sève aux dépends des autres rameaux fructifères, ralentissant ainsi leur croissance. L’épamprage doit ainsi s’effectuer avant la floraison. Il sera d’ailleurs d’autant plus facile et efficace qu’il sera pratiqué assez tôt, les gourmands étant encore tendres.

Le dédoublage consiste à éliminer les doubles pousses issues des doubles bourgeons laissés involontairement à la taille.

Fin mai, juin

Relevage des fils et accolage

Dans les vignes palissées, le viticulteur procède au relevage des fils qui consiste à positionner les jeunes rameaux vers le haut. Pour cela, il utilise des paires de fils de fer, appelés « releveurs ». Un rameau passe entre les deux fils d’une paire, qui sont reliés entre eux généralement par des agrafes. Ces releveurs ont la particularité d’être mobiles. Le viticulteur peut les déplacer verticalement et ainsi accompagner la croissance des rameaux.

Ensuite, le viticulteur accole et lie les rameaux aux fils de fer.

Ces deux opérations vont permettre une bonne répartition du feuillage et faciliter à la fois les travaux suivants et la croissance maîtrisée de la vigne.

Rognage (ou écimage)

Après la floraison, la vigne a besoin de soleil et de chaleur. Or, la vigne croît verticalement et dépasse le plan de palissage. Ce surplus de végétation peut alors gêner les travaux de l’homme, l’aération et la maturation des raisins. Le viticulteur réalise alors un rognage, qui consiste à supprimer l’extrémité des rameaux en croissance. Pour cela, il utilise une rogneuse adaptée sur un tracteur enjambeur.

Le rognage permet donc d’homogénéiser le feuillage sur le palissage, ce qui favorise l’ensoleillement des grappes et les travaux suivants.

Il doit cependant être pratiqué avec la plus grande attention. Un écimage précoce entraîne la perte de jeunes feuilles, ce qui baisse l’activité de la photosynthèse et réduit ainsi la formation des sucres. De même, le nombre de rognages sera établi en fonction de la croissance des rameaux et de l’évolution des conditions climatiques.

Traitements contre les maladies et les parasites

Le viticulteur peut, en cas de présence de parasites ou d’agents porteurs de maladies, effectuer d’autres traitements. De manière générale, la vigne est encore sensible à ces attaques et nécessite chez le viticulteur une vigilance de tous les instants.

Juillet, août

Traitement éventuel contre la pourriture

Le viticulteur traite la vigne contre la présence d’un champignon, le Botrytis cinerea (voir pourriture noble). Sa forme la plus courante est en effet la pourriture grise, qui affecte les raisins par temps humide, entre la nouaison et la maturation. Ne pas confondre avec sa forme utile, la pourriture noble, qui est essentielle à la production de vins blancs liquoreux de qualité.

Rognage et griffage

La croissance excessive des rameaux nécessite des éléments nutritifs. Elle entre ainsi en compétition avec la maturation des raisins. Le viticulteur procède donc au rognage des rameaux. Il réalise en même temps un griffage du sol, qui consiste à l’aérer et à enlever les mauvaises herbes.

Eclaircissage (ou vendange verte)

Après la floraison, le viticulteur peut évaluer le nombre et la répartition des grappes sur les ceps. Si la nature a été généreuse, le nombre de grappes peut s’avérer excessif. La vigne alimentera ces grappes différemment, ce qui sera nuisible à une maturité homogène et de qualité. Le viticulteur réalise donc un éclaircissage, appelé « vendanges vertes », qui consiste à enlever un certain nombre de grappes de la vigne, avant la maturation, pour favoriser la concentration des grappes restantes. Ce travail s’effectue manuellement car on doit maintenir un équilibre de la charge en fruit sur le cep, compatible avec le niveau de maturité recherché.

Effeuillage

Pratiqué au mois d’août ou avant les vendanges, l’effeuillage a pour objectif de favoriser la maturation des raisins. Le viticulteur enlève certaines feuilles autour des grappes, favorisant leur aération et leur ensoleillement. Cela baisse l’humidité autour du raisin, ce qui le rend moins sensible à la pourriture grise.

L’effeuillage doit cependant être raisonné. En période de forte chaleur, les raisins risquent effectivement de griller, d’où la perte d’une partie de la récolte. Souvent, le viticulteur opte pour un effeuillage du côté du rang le moins exposé au soleil.

Surveillance contre les maladies

Le viticulteur veille toujours aux risques de maladies et de ravageurs. Le stade de la fermeture de la grappe au mois de juillet est effectivement un moment sensible pour la vigne.

Préparation du matériel vinaire

Vers la fin du mois d’août, le viticulteur stoppe les traitements. Il se consacre au nettoyage et à la préparation du matériel vinaire. Il prépare également la cuverie qui va accueillir les raisins.

Octobre

Arrachage des vieux ceps

La vigne commence à produire des raisins de qualité à partir de quatre ou cinq ans. Elle est en pleine maturité entre 20 et 60 ans. Quand elle atteint 80 ans, elle doit être arrachée.

Le mois d’octobre est le moment d’arracher les vieux ceps de vigne qui ne produisent plus. L’arrachage devient même nécessaire pour des ceps atteints de maladies. Le viticulteur pourra les remplacer au mois d’avril lors de ses nouvelles plantations.

Préparation de la taille

Le viticulteur enlève les agrafes du palissage qui retient les rameaux. Après la chute des feuilles, la vigne sera prête pour la taille.

L’année de travail d’un viticulteur à la vigne est bien remplie. Ce métier nécessite un engagement sans limite, une réelle passion et une présence continue dans le vignoble. A cela s’ajoutent les travaux de vinification et la gestion financière, commerciale et humaine du domaine. Toutes ces heures passées dans la vigne et au chai sont révélées au travers du vin que l’on déguste. C’est aussi cela l’âme du vin…

Articles recommandés sur le même thème :

» La vigne

» Le cycle de la vigne

» Vitis vinifera - Comment une seule espèce de vigne a conquis le monde ?

» Le terroir