Qu’est-ce que l’apogée d’un vin ?
Tout d’abord, cette notion a-t-elle encore un sens aujourd’hui, dès lors que les vins semblent de plus en plus tôt prêts à boire ? Incontestablement, la réponse est positive : un vin, quel qu’il soit, médiocre ou génial, passe en bouteille par différentes phases de son existence pour atteindre une période, plus ou moins précoce, plus ou moins étendue, où il est au maximum de ses possibilités.
Il se trouve simplement que la période préalable à cette apogée est devenue, pour quasiment tous les bons vins, y compris les plus tanniques, un moment où ce dernier apparaît déjà très agréable à boire et non plus un temps de réserve, d’austérité et de raideur, comme c’était souvent le cas il y a quelques décennies.
La recherche de la maturité optimale du raisin et les progrès dans les techniques d’extraction ont incontestablement affiné la structure et l’expression aromatique des vins jeunes, et cela sans nuire à notre avis à leur aptitude au vieillissement.
On doit en retenir un principe : la date d’apogée n’indique pas que le vin est " inconsommable " avant ou après, mais simplement qu’il sera théoriquement au meilleur de sa forme pendant cette période. Rien ne vous empêche d’être malgré tout impatient !
L’apogée est-il une période systématiquement linéaire, comprise entre deux dates ?
Bien sûr que non, et il s’agit de notre part d’une simplification que de vous livrer une fourchette d’années en guise de réponse. Une simplification et un peu de bon sens également : quelque soit notre expérience en la matière, il nous arrive fréquemment d’être surpris, en bien ou en mal par l’évolution d’un vin, et il serait parfaitement ridicule de vouloir faire croire à notre infaillibilité. Prévisions oui, prédictions sûrement pas !
En outre, la plupart des bons vins actuels sont très séducteurs dans leur prime jeunesse et cette courte période (de trois mois à un ou deux ans selon les vins) peut passer pour une " pré-apogée ". Puis, le vin va se refermer pour parfois un an ou deux mais parfois aussi presque une décennie, alors que c’est bien souvent le moment où on le consomme... Il commence ensuite sa véritable apogée. Pour les plus grands vins, la fin de la période d’apogée est souvent la plus étonnante : il n’est pas rare d’avoir l’impression de trouver fini un grand cru âgé de trente ou quarante ans puis de le retrouver éblouissant de santé quand on le " redéguste " quatre ou cinq ans plus tard !
Cette description demeure schématique : on peut l’affiner en faisant un rapide tour de France :
• Bordeaux rouges : Les grands médocs ont un vieillissement assez linéaire : ils ne cessent de s’ouvrir pour entrer dans le meilleur de leur forme dans les cinq à quinze ans d’âge, selon le cru et le millésime. Les vins de merlot sont plus tôt prêts à boire (même si les meilleurs vieillissent magnifiquement) et sont également très séducteurs dans leur prime jeunesse.
• Bourgognes : La nouvelle école bourguignonne a redonné au pinot un éclat et un dynamisme extraordinaires dans sa première année de bouteille. Après, il faut absolument oublier ces vins entre quatre et huit ans. Ces nouveaux bourgognes feront comme leurs grands aînés d’avant-guerre et du XIXe siècle : ils seront d’une formidable longévité, contrairement aux vins des années 1960 à 1980. Les blancs de Bourgogne sont de plus en plus tôt prêts à boire, et vieillissent ainsi dix à quinze ans pour les meilleurs. Il faut simplement laisser à certains le temps de " digérer leur bois ", sauf si l’on adore le goût du chêne merrain plus que tout...
• Côtes du Rhône : Les vins " modernes " de syrah ont une évolution un peu comparable à ceux de pinot : séducteurs très jeunes, puis fermés, puis épanouis dans un registre aromatique très différent de leur première phase : la fourrure remplace le fruit noir. Dans les très bons millésimes, le grenache présente la particularité unique d’être très bon très jeune et de vieillir parfaitement sans jamais se refermer...
• Liquoreux : Ils sont incontestablement, et dans tous les vignobles, les vins de plus grande garde. Sucre et – pour les vins de Loire, d’Alsace et autres jurançons - acidité sont les garants de leur éternelle jeunesse.
• Champagne : Leur vieillissement minimum de trois ans avant commercialisation amène la plupart d’entre eux à leur apogée dès la date d’achat. Néanmoins, les meilleurs vieillissent parfaitement : beaucoup de grands crus sont ainsi longtemps apparus fermés et commencent seulement à s’ouvrir aujourd’hui !
Attention, les valeurs ci-dessus sont indicatives et ne constituent aucunement une règle.