Depuis quelques années l' agriculture dite "biologique" connaît un succès croissant auprès de l'opinion. La sensibilisation des consommateurs au "risque alimentaire", le désir pour une population essentiellement urbaine de renouer avec une certaine qualité de vie, qualité de vie plus proche de la "nature", la politique agricole de l'Etat et de l'Europe pour répondre aux attentes de la population, ont favorisé l'expansion de l'agriculture biologique.
Toutefois cette expansion récente de l'agriculture biologique est le fruit d'une lente maturation que nous évoquerons dans un bref rappel historique afin de mieux cerner ce que l'on peut appeler l'esprit de la "bio". Nous décrirons donc l'esprit général de la démarche de l'agriculture biologique en essayant de répondre à la question : le "bio" c'est quoi ?
Depuis la seconde guerre mondiale l'agriculture dans les pays occidentaux a connu plus de bouleversements que depuis le passage du sylvo-pastoralisme à l'agriculture sédentaire ce qui correspond à la période du néolithique, soit il y a plus de 10 000 ans !! Donc en 50 ans les changements qu'a connu l'agriculture furent plus intenses et nombreux que sur une période de 10 000 ans. Le nombre d'agriculteurs n' a cessé de diminuer pour produire des quantités de produits agricoles inimaginables il y a 50 ans. Que s'est-il passé ? Comme dans la plupart des activités humaines l' agriculture a profité du développement massif des connaissances et de son application, en un mot ce que l'on nomme le progrès. Mais il y a une différence de taille avec les autres activités économiques : si l'accumulation des connaissances a permis l'émergence de l'activité industrielle en créant un nombre de secteurs jusqu'alors inconnus, l'informatique ou les télécommunications, l'agriculture elle existe depuis des millénaires, et l'on aurait pu penser que le progrès des connaissances allait l'améliorer mais non pas la transformer radicalement !
Pourtant le constat est là : l'agriculture s'est industrialisée. La terre, le sol ne sont plus que des supports de transformations végétales ou animales, et dans un grand nombre de filière ( les céréales ou le lait par exemple) les paysans, les agriculteurs sont devenus tout bonnement les employés d'une industrie dite "agroalimentaire", étant désormais pour l'essentiel les maillons d'un système qui les réduit à une simple fonction de producteurs selon un cahier des charges établis par des non-agriculteurs et dans lesquels ils se retrouvent de moins en moins. Certains caressent le rêve, avec les biotechnologies, de remplacer la terre par des usines, en créant et s'appropriant de nouvelles espèces animales et végétales répondant à leurs critères économiques du moment, et pour certains produits (les tomates par exemple) le rêve est devenu réalité…
Il faut dire qu'au sortir de la guerre, l'agriculture, en Europe notamment, a été sommée de répondre à l'impératif de l'autosuffisance alimentaire et dans le même temps de réduire ses coûts de production afin de libérer du pouvoir d'achat pour le marché des biens de consommations issus de l'industrie et ensuite des loisirs. Les aides massives des gouvernements, la constitution de l'Europe avec la mise en place de la politique agricole commune, la pleine adhésion du monde agricole, traditionnellement assez réfractaire, et enfin l'accélération du phénomène urbain avec la naissance d'un nouveau mode de consommation que l'on allait appeler de "masse" avec son temple qu'est la "grande surface" devaient inexorablement mener l'agriculture là où elle est aujourd'hui.
Face à ce mouvement qui semblait inexorable un petit nombre de personne et bien souvent des non agriculteurs, dans un élan de retour à la terre et une envie de construire une vie sur ce qu'ils estimaient être les "vraies" valeurs, donne naissance à la démarche de l'agriculture biologique. Mai 68 en France, et les mouvements analogues en Europe occidentale et aux Etats-unis à la fin des années 60 sont passés par là. Le rejet de la société de consommation fonde alors l'esprit de l'agriculture biologique : il s'agit de produire de manière "saine" en respectant la nature et les hommes avec une dimension revendicative dénonçant les travers du système économique jugé comme responsable de dégrader la nature et les hommes. Les revendications environnementales qui prennent naissance dans cette même période et qui ne vont cesser de se renforcer nourrissent et confortent la démarche de l'agriculture biologique.
Où en sommes-nous aujourd'hui depuis la démarche de ce que l'on dénomma les "pionniers" ?
Le mouvement de l'agriculture biologique s'est amplifié et la demande de produits issus de l'agriculture biologique ne cesse d'augmenter et représente maintenant une part non négligeable des biens de consommation agricoles. L'agriculture "traditionnelle", c'est-à-dire celle faisant appel à des intrants issus de la chimie de synthèse demeure prépondérante. Toutefois beaucoup d'agriculteurs s'ils ne se sont pas engagés vers l'agriculture biologique ont entamé une démarche dit de "lutte raisonnée". Ayant pris conscience des besoins nouveaux des consommateurs et tenant à respecter leur outil de travail sur le long terme, ils continuent à utiliser des produits de la chimie de synthèse tout en réduisant la quantité et le nombre des application dans la conduite de leur exploitation.
Aujourd'hui l'agriculture biologique c'est d'abord un cadre administratif précis et rigoureux où le poids de la réglementation européenne est considérable. A ce jour, en France, l'agriculture biologique est régie par les référentiels de production.
Ne produit pas en agriculture biologique qui veut, la démarche est contraignante et impose une remise en cause des habitudes acquises avec l'agriculture "traditionnelle". Il faut également accepté d'être régulièrement contrôlé par l'organisme de certification.
Donc pour nous résumer l'agriculture biologique est une agriculture exempte à tous les stades d'intrants issus de la chimie de synthèse. Selon une liste très précise mentionnant les produits naturels non modifiés l'exploitation biologique doit arriver à pouvoir produire aussi bien qu'une exploitation classique. Il est évident que cela suppose plus de main-d'œuvre et d'attention, d'observation, de réflexion sur la manière de conduire son exploitation.
Une dernière remarque, en fait l'agriculture biologique c'est revenir dans un certain sens à l'agriculture telle qu'elle était avant l'industrialisation du monde agricole, il s'agissait d'une agriculture respectueuse de l'environnement, exempte de produits chimiques de synthèse, et faite avant tout d'observations et d'une science non écrite mais vaste et accumulée sur plusieurs générations successives. Il nous faut retrouver peu à peu ce savoir tout en utilisant les moyens de connaissances et d'expérimentations auxquels nos anciens n'avaient pas accès.
Il nous faut désormais préciser quelques points concernant l'agriculture biologique dans la viticulture. Tout d'abord les vignerons "biologiques" ne produisent pas de vins biologiques contrairement à ce que l'on entend ou lit souvent. Ils produisent un "vin issus de raisins produits en agriculture biologique".