L'élevage sur lies, matières vivantes du vin

Le vin ne serait rien sans ses levures, de minuscules organismes vivants qui se chargent de la fermentation du jus de raisin et le transforment en vin. Leur action terminée, les levures forment des lies qui jouent un nouveau rôle, déterminant dans l'évolution du vin.

Tonneaux

Les levures sont les agents de la fermentation qui transforment le sucre du jus de raisin en alcool (avec du gaz carbonique que l'on peut plus ou moins conserver dans le vin). Lorsque le vin est terminé, elles cessent toute activité. Mais elles ont encore beaucoup à apporter, sous une autre forme : mortes, elles deviennent des lies fines (par opposition aux grosses lies constituées de diverses particules grossières) qui se déposent au fond de la barrique, du foudre ou de la cuve et commencent un cycle de complexes échanges avec le vin nouveau.

Cet élevage sur lies, plus ou moins long, enrichit le vin, particulièrement le vin blanc, qui ne bénéficie pas, comme le vin rouge, d'éléments apportés par la macération. Nombre de vins sont ainsi élaborés, puisant dans l'élevage sur lies un aspect essentiel de leur personnalité. C'est le cas des frais et fruités Muscadets dits "sur lie" ou des complexes et amples Bourgognes blancs.

Les lies à l'œuvre

L'élevage sur lies consiste à prolonger le contact des lies avec le vin. Les échanges peuvent être favorisés par le "bâtonnage", en remuant régulièrement le vin à l'aide d'un bâton ou d'une tige métallique pour remettre les lies en suspension dans la masse du vin. Consommatrices du peu d'oxygène présent dans le récipient vinaire, les lies ralentissent l'oxydation et le jaunissement du vin. Mais surtout, elles "nourrissent" le vin et développent des arômes spécifiques dans le registre des fruits secs (noisette, amande...) et des nuances empyreumatiques (grillé, fumé, pain brûlé, café, caramel, cacao...). Ces nuances peuvent se combiner, dans une barrique, avec une touche boisée. Une complexité progressive que la lente dégradation des cellules des levures accentue en libérant des composés azotés porteurs de richesse aromatique, notamment de notes florales et fruitées sur les vins jeunes, ainsi que d'éléments exhausteurs de goût, de gras et de "volume".

Nombre de vins sont ainsi élaborés puisant dans l'élevage sur lies un aspect essentiel de leur personnalité.

Muscadet sur lie et Bourgognes blancs

Le Muscadet, se souvenant sans doute de l'ancienne tradition de la barrique que chaque vigneron gardait sur lies, sans soutirage, pour les grandes occasions familiales, apprécie cet élevage. Celui-ci ne se prolonge guère au-delà du mois de mars, voire d'octobre qui suit la vendange. Le Muscadet sur lie gagne une ampleur aromatique qui dépasse les simples arômes primaires, gagne en subtilité et en rondeur, mais préserve une savoureuse fraîcheur en gardant une pointe "moustillante" de gaz. Les Bourgognes blancs, quant à eux, ont toujours su attendre le temps qu'il fallait, dans le calme et la fraîche obscurité des caves, d'avoir "mangé" leurs lies pour s'enrichir de tous les éléments qui font leur élégance. Un élevage long en barriques qui permet au Chardonnay de prendre lentement possession de sa finesse, de sa plénitude et de sa complexité. Il livre, au-delà des arômes les plus délicats, toutes les nuances de la secrète alchimie du terroir.

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