Petite histoire du Beaujolais nouveau

Novembre approche, le troisième jeudi du mois.  Avec lui, l'effervescence des préparatifs pour l'arrivée du Beaujolais nouveau ... Le bouillonnement marketing qui l'accompagne ferait presque oublier que ce vin primeur si riche en arômes de fruits rouges est l'héritier d'une longue tradition populaire de Bourgogne.

Beaujolais nouveau

En effet, ce vin d'automne trouve ses origines au XIXe siècle parmi les vignerons du Beaujolais. Le cycle végétatif de leur zone de production formée par les communes de Saint-Étienne-des-Oullières, Saint-Étienne-la -Varenne, le Perréon et Blac leur permettait de vendanger précocement et de commercialiser très tôt leur récolte sur Lyon et sa région. Une vinification courte conservait au vin un maximum de légèreté et de parfum. Il achevait sa fermentation pendant le transport sur route ou sur barges en suivant le cours de la Saône. Si bien que l'on surnomma ce petit vin gouleyant "le troisième fleuve de Lyon".

Il faut dire qu'il coulait à flot dans les bistrots et les bouchons où il était servi sur le zinc au verre, au pot de 46 cl (d'où l'expression "se payer un pot") payable au mètre - on mesurait la longueur de pots vides alignés sur le comptoir, 12 pots étant nécessaires pour faire un mètre ... Le treizième était généreusement offert par le patron.

Jusqu'en 1850 le "Pot de ville" ou "Pot Lyonnais" contenait 1 litre. Sa diminution à 46 cl provoqua la révolte des "voraces" de la Croix-Rousse. La nostalgie tenaille le marché ... Depuis quelques années est apparue dans nos rayons une bouteille de 75 cl en verre blanc, un peu trapue, forme-hommage à ce pot lyonnais.

Vin populaire, vin solidaire du monde ouvrier, des manufactures textiles, des célèbres boulistes, il accompagnait idéalement le mâchon local (gras double servi en salade avec des oignons). Son image est déjà celle du partage et de la réjouissance. Chaque dernier dimanche d'octobre, se tenait la fête foraine annuelle, la "vogue" de la Croix-Rousse à Lyon. Entre les manèges et l'odeur des marrons grillés, on buvait joyeusement ce beaujolais tout juste débarqué. Chacun mettant un point d'honneur à être un "boyau rouge" (un bon buveur).

Cette tradition s'interrompit lors de la Seconde Mondiale avec les différents régimes de taxations et de restrictions mis en place par les Allemands. Au sortir de la guerre, la vente des vins A.O.C était soumise à un échelonnement des dates de mises sur le marché en fonction des zones de production. Un arrêté du 8 septembre 1951 mit fin à cette règle puis fût rapidement complété le 13 novembre 1951 par une autorisation de commercialisation immédiate pour les régions productrices de vins à consommation précoce. Les vins primeurs pouvaient partir à la conquête du pays ; le Beaujolais nouveau en tête. Pendant plusieurs décennies, la date officielle de mise à la consommation de ces vins a fluctué. Ce n'est que depuis 1985 qu'un décret fixe au 3e jeudi de novembre la mise officielle sur le marché. En fait depuis 1994, la préparation du lancement débute 6 jours avant.

Un slogan qui a fait le tour de la planète

En 1959, une Union Interprofessionnelle des Vins du Beaujolais est créée pour assurer la promotion de ce vin et tenter une percée sur les marchés internationaux. Dix ans plus tard, un slogan inusable "Le Beaujolais nouveau est arrivé" annonce en fanfare la nouvelle année vinicole.

Tout comme au XIXe siècle, le Beaujolais nouveau a bénéficié depuis les années 50 du soutien des bistrots à vin qui organisent dans toute l'Europe, des "coupes" du "meilleur pot", de la "bouteille d'or", etc. On édite même des guides des bistrots beaujolais à travers le monde... Juste retour sur le zinc qui a fait sa popularité.

Les années 80 et 90 sont celles de l'expansion internationale. L'Australie en 1982, puis le Japon en 1985 et enfin les pays du Sud-Est asiatiques comme la Corée du Sud ou la Thaïlande ouvrent leur marché. Leurs consommateurs succombent rapidement à ce vin léger qui accompagne agréablement une gastronomie relevée.

Les statistiques sont impressionnantes. On parle de 110 de pays importateurs de Beaujolais nouveau, jusqu’à 25 millions de bouteilles consommées dont près de la moitié est exportée...

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